Grumo, "des aérosols et un peu de patience"

La petite ville de Nîmes dispose d’une armée d’artistes qui lui redonnent des couleurs. Parmi eux, Bruno, aka Grumo, graffeur et street artiste co-fondateur de l’association La Ruche avec Supo Caos.

Cela fait un petit moment que je connais l’artiste. Je l’ai vu produire en masse, hésiter, répéter, continuer, évoluer… mais tout ce temps-là, je n’avais jamais eu l’occasion de parler de son parcours avec lui. A l’aube d’un projet qui va venir bousculer Nîmes à la rentrée, Grumo est très occupé, mais reste disponible pour me parler de sa rencontre avec le street art.

Notre homme est un autodidacte. Dans les années 90, l’art urbain suscite chez lui assez de curiosité pour qu’il s’y mette et progresse rapidement. Il commence donc à manier l’aérosol avec Supo Caos, armé de ses influences issues de l’univers de la BD et de son envie de retranscrire l’actualité dans sa peinture. Il me cite Bilal et les souris de Spiegelman, qui comme lui n’ont pas envie de vous raconter de belles histoires.

La démarche artistique de Grumo prend corps dans sa volonté de retranscrire l’actualité telle qu’il la perçoit : « Je ne regarde pas les médias, mais je les écoute et je les lis », me dit-il. « Ma peinture dénonce toutes les formes d’enfermement qu’on peut rencontrer dans une vie : l’enfermement physique, intellectuel… Cela peut aussi bien représenter l’aveuglement auquel le gouvernement et les médias nous condamnent, ou encore la solitude… ». En effet, les œuvres de Grumo donnent un aperçu angoissant de notre société. Les personnages sont souvent seuls, affublés de ce regard délavé, triste, ce regard qu’ont les gens qui ont arrêté d’espérer. Dans la peinture de Grumo, on trouve des ballons en briques qui s’envolent dans une cage de grillage.

Son art déclare la guerre à la légèreté et l’harmonie. Et si l’angoisse de l’enfermement est bien là, c’est pourtant l’indiscipline qui donne toute sa force à l’œuvre : des motifs à répétition, des éclaboussures, des barres d’immeuble qui ne terminent jamais, des éléments insolites qui viennent se glisser ici et là... C’est le cri de la résistance, le dernier souffle avant que la liberté ne vienne mourir à nos pieds.

Grumo a le discours des mecs qui ne regardent pas leur art mais qui le jettent sur un mur pour éviter qu’il ne les dévore. La rue pour lui n’est pas un concept, c’est une âme géante, pleine à craquer de contradictions qui en font un sujet d’inspiration inépuisable. « Le street art peut être infiniment petit comme il peut prendre d’énormes proportions », continue Grumo, tandis qu’il griffonne sur un coin de la table comme un gosse. « Ce n’est pas une mode qui passera avec une autre. Il y a beaucoup d’activistes qui commencent et continuent dans la rue. On doit garder cette dimension populaire, amener les gens à connaître cette culture qui peut être un vecteur d’échange. La société est en train de flancher : il est temps que l’on s’accroche à des valeurs communes. Je suis très attaché à cette idée de « communauté ». C’est un mode de vie qui favorise l’entraide. Que ce soit à l’échelle d’une rue, d’un quartier ou d’une ville, on peut canaliser notre énergie sur l’individu, et apporter de l’écoute, du partage, de la solidarité, pour façonner un meilleur environnement à tous les niveaux ». Avec la Ruche, association d’artistes locaux qu’il a montée avec Supo Caos, Grumo a la possibilité de promouvoir son travail comme d’autres street artistes. Il profite de cette effervescence pour continuer de s’imprégner de ce que font ses acolytes. Cela lui donne notamment l’opportunité d’organiser avec eux des événements grâce auxquels ils peuvent aller prêcher la bonne parole de la rue.

L’art de Grumo aura justement l’occasion de se montrer en grand à la rentrée. Rendez-vous donc début septembre à Nîmes. Je sais pas vous, mais moi j’ai hâte.

Page FB : Grumo Stile

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